Quand et comment nourrir son cheval avant l’effort ? Partie 2

Si vous n’avez pas lu la partie 1, je vous invite à aller y jeter un coup d’œil, cela vous aidera à comprendre cette partie …

Aujourd’hui, je vais tenter de répondre à la question initiale quand et comment nourrir son cheval avant l’effort, ou du moins apporter des éléments de réponse pour vous aider dans votre gestion.

Une question de timing

Beaucoup d’études ont regardé l’effet d’un repas de concentré (à haut niveau glycémique) donné à différents moments avant un effort physique variable. Ainsi, un repas de céréales (ici 1kg de mais entier ou 1.2kg de mais concassé) donné 1,3 ou 4h avant un effort modéré semble contre-productif :

  • On observe un pic glycémique puis insulinémique induisant une hypoglycémie durant l’exercice avec un niveau de glucose sanguin inférieur à celui avant le repas (2)(3).
  • Le taux d’acides gras volatiles (AGV) dans le sang diminuerait. Cette baisse de concentration d’AGV serait attribuée à l’inhibition de la mobilisation de ces AG par l’insuline, avec une diminution de l’oxydation des graisses (3). Ceci ayant pour effet de rendre les AGV inaccessibles pour les muscles.

Pour ce qui est d’un repas donné 5h avant l’effort, il ne provoquerait pas cette hausse de concentrations de glucose et d’insuline dans le sang au début de l’exercice et pas de variations des concentrations durant l’exercice test. Il n’empêche pas non plus l’utilisation des acides gras volatiles (2). Cela ressemble à ce qu’on obtiendrait avec un jeûne de 16h pour le cheval.

Aucune étude n’a observé d’effet du timing sur l’utilisation des réserves de glycogène dans le muscle et le foie, mais cela demande davantage de recherches : une étude réalisée chez l’homme a pu lier l’utilisation des réserves de glycogène du muscle et la disponibilité en AGV (2). Economiser le glycogène étant primordiale pour la performance sur le long terme.

Et si on combine le timing avec le type de repas : différents concentrés vs fourrages

On peut jouer sur le timing du repas mais aussi sur le type de repas. En effet, de nombreuses études ont observé l’effet d’un repas de fourrages (comme de la luzerne) par rapport à un repas de céréales au même timing. Mais aussi, l’effet de combiner les fourrages et les céréales par rapport à un repas de céréales seules.

Pour ce qui est des fourrages avant l’exercice, la concentration de glucose dans le sang augmente durant l’exercice contrairement aux céréales, ils n’induisent donc pas une hyperglycémie post-repas (3). Ils contribuent aussi à un meilleur taux d’AGV dans le sang, ainsi ils n’inhibent pas l’utilisation des graisses durant l’exercice (2). L’inconvénient est qu’on observe un poids corporel plus important, un volume plasmatique moins important et un rythme cardiaque un peu plus élevé lors de la phase intense d’un exercice. On peut l’expliquer par un remplissage de l’intestin plus important, une plus grande absorption d’eau par les fibres consommées, donc moins d’eau pour le plasma sanguin et plus pour l’intestin.

L’étude a aussi comparé l’effet du pâturage avant l’effort, ils ont pu observer les mêmes résultats qu’avec le repas de fourrages mais sans les effets de l’augmentation du rythme cardiaque et de la diminution du volume plasmatique malgré un poids plus important. L’herbe ayant une capacité de rétention d’eau inférieur aux fourrages matures (1), les fluides se seraient mieux équilibrés entre l’intestin et le sang.

En ce qui concerne le mélange foin et céréales, il permet une moins grande réponse glycémique après le repas, mais il y a aussi une chute du glucose dans le sang lors de l’exercice, et il bloque aussi la disponibilité en AVG (1). Quid de l’apport d’un repas riche en gras : il aurait pour effet de modifier la réponse métabolique en utilisant l’oxydation des graisses plutôt que des sucres lors de l’exercice. Ce changement dans le métabolisme permettrait d’économiser l’utilisation du glycogène des muscles (4).

Pour toutes les études, la concentration de lactate reste généralement inchangée entre les différents traitements. Il nous faut donc plus de recherche pour voir l’influence de la gestion alimentaire sur la fatigue des muscles.

A retenir,
  • Nourrir proche d’un effort avec un repas de céréales avec ou sans foin réduirait la disponibilité en acide gras et contribuerait à une hypoglycémie durant l’exercice. Ce qui n’est pas forcément désiré lors d’exercice prolongé.
  • Nourrir avec seulement des fourrages avant l’effort ne semble pas interférer avec la disponibilité en acide gras, n’induit pas d’hypoglycémie et n’a pas d’effet indésirable autre qu’une possible réduction du volume plasmatique sanguin et qu’une augmentation du poids total du cheval.
  • Trouver le bon timing et la bonne dose de fourrage à donner avant l’exercice pourrait être préconisée pour contourner les petits effets indésirables et éviter tout risque d’ulcère gastrique. (Risque augmenté par un estomac complétement vide (5))

Quand et comment nourrir son cheval avant l’effort ? Partie 2
Source
1 Pagan J. D., Harris A., 1999. The effects of timing and amount of forage and grain on exercise response in Thoroughbred horses. Equine vet. J., Suppl. 30, 451-45.
2 Lawrence L. M., Hintz H. F., Soderholm L. V., Williams J., Roberts A. M., 1995. Effect of time of feeding on metabolic response to exercise. Equine vet. J., Suppl. 18, 392-395.
3 Stull C., Rodiek A., 1995. Effects of post prandial interval and feed type on substrate availability during exercise. Equine vet. J., Suppl. 18, 362-366.
4 Lawrence L., 2008. Nutrient Needs of Performance Horses. R. Bras. Zootec., v.37, p.206-210.
5 Pagan J.D., 1997. Gastric ulcers in horses: A widespread but manageable disease. World Equine Vet Review, 2, 28-30.


Suzie Bathellier