La myoglobunirie paroxystique que nos anciens appelaient « maladie du lundi », correspond à une contracture musculaire généralisée, plus particulièrement sur les muscles du dos. Ce « coup de sang », est du à une alimentation trop riche pendant une période de repos ou de travail insuffisant. Quelles sont les causes du coup de sang ? Quels en sont les signes cliniques ? Quelles doivent être les mesures à prendre pour l’éviter ? Cette semaine je vous propose donc un article consacré à cette pathologie et je tenterai de répondre à ces questions …

Si l’énergie fournie par la ration alimentaire n’est pas totalement consommée par le travail musculaire journalier, l’organisme stocke cette énergie sous forme de réserve de glycogène. Au cours d’un effort, lorsque les muscles sont demandeurs d’énergie, ce glycogène est prélevé et oxydé en glucose, puis en ATP qui est le carburant du muscle. C’est la voie oxydative, aérobie du glycogène.
Lorsque la demande est trop importante, une seconde voie d’utilisation du glycogène pour former l’ATP s’enclenche sans oxygène. C’est la voie non oxydative, anaérobie du glycogène.


Les causes métaboliques

Or, cette utilisation sans oxygène (non oxydative, anaérobie) des réserves métaboliques musculaires, produit un déchet, l’acide lactique, dont l’accumulation excessive dans le muscle est à l’origine d’une contracture musculaire violente et très douloureuse. C’est le fameux coup de sang !

C’est donc un excès alimentaire pendant une période de repos qui est à l’origine du coup de sang. Un entraîneur de chevaux de course me donnait un exemple caractéristique : les anciens cultivateurs nourrissaient beaucoup leurs chevaux de trait pour les travaux agricoles tout au long de la semaine, or, le dimanche, jour de repos, ils restaient à l’écurie sans que la ration ne soit réduite. Le lundi matin, après quelques minutes de travail, le cheval était alors affecté par un coup de sang, ce qui est à l’origine de l’expression « maladie du lundi ».

Actuellement, on assiste au même phénomène chez les chevaux de loisirs, mais d’une manière décalée. En effet, les propriétaires de chevaux étant fort occupés par leur profession pendant la semaine, ils montent surtout le weekend, et lorsqu’un cheval est trop nourri, le coup de sang se déclenche au début du travail, donc le samedi !

Les signes cliniques

Affecté par un coup de sang, le cheval s’arrête brusquement et refuse de se déplacer. Il souffle, transpire, se couvre progressivement de sueur signe d’une douleur intense, qui peut parfois mimer une colique car les fibres musculaires enflammées qui se sont contractées le font souffrir.

Les muscles du dos qui sont les plus atteints, deviennent durs, tendus et douloureux. Pour se soulager, le cheval prend une attitude campée, les postérieurs tendus vers l’arrière et semble vouloir uriner. Son attitude peut évoquer un problème urinaire car il souffre des mêmes muscles mobilisés lors de la miction.

Chez certains chevaux de course, comme les galopeurs et trotteurs, la myosite paroxystique peut également atteindre les muscles de l’épaule. La douleur est alors tellement intense que le cheval refuse de faire un pas de plus. Cette contracture, qui produit beaucoup d’énergie, fait augmenter la température qui peut atteindre 40°C.

L’hémoglobine est contenue dans le muscle, sous forme de myoglobine. La contracture des fibres musculaires et leur éclatement libèrent dans la circulation générale cette myoglobine. Elle est ensuite évacuer par l’urine qui se colore de façon caractéristique. Sa couleur permet d’évaluer la gravité du coup de sang : couleur thé clair dans les formes légères, couleur du coca dans les formes gravissimes.

Parer à l’urgence

Dès les premiers signes de raidissement, de contracture et de refus d’avancer, il est impératif d’arrêter immédiatement le cheval. Même pour une distance de 100 mètres, il est indispensable de rapatrier le cheval en van pour lui éviter tout effort. Le vétérinaire doit être alerté en urgence. Il administre des anti-inflammatoires, met le cheval sous perfusion pour laver la myoglobine contenue dans les fibres musculaires et rétablir ainsi une bonne diurèse. Les perfusions sont posées pendant plusieurs heures et ne doivent être arrêtées que lorsque l’urine devient claire.

Une erreur classique consiste à effectuer des massages, ce qui est contre indiqué sur des muscles dont les fibres sont enflammées car ils augmentent la contracture.

Une erreur fréquente consiste également à administrer un diurétique sans perfuser le cheval, mais cela risque de provoquer un blocage rénal qui lui sera fatal. Dans certaines formes graves, l’animal n’urine pas malgré les perfusions. L’emploi de produits dilatants de façon majeure les vaisseaux de la circulation glomérulaire est alors salvateur.

Suivi et remise au travail

Même lorsque le cheval va mieux, la gestion de la phase récupération est fondamentale pour son avenir sportif. Pour comprendre, il faut imaginer qu’un muscle se présente comme un élastique. Une cicatrisation fibreuse effectuée sur un tissu musculaire à le même effet qu’un nœud sur cet élastique. Le reste du tissu musculaire élastique, situé en amont et en aval du tissu cicatriciel fibreux, doit réguler les contraintes ultérieures du muscle.

Plus ce tissu cicatriciel est volumineux, plus les contraintes sur les fibres musculaires nobles restantes (très élastiques) sont importantes. On comprend donc aisément qu’il est indispensable d’avoir un tissu cicatriciel le plus faible possible pour que le reste du muscle, encore souple, ne soit pas trop sollicité en s’allongeant. Un coup de sang mal cicatrisé donnera des récidives fréquentes, qui rendront fatalement le cheval inutilisable.

L’état physiologique du muscle est appréhendé par une prise de sang et par la mesure des enzymes musculaires. Deux enzymes permettent de mesurer la fonction musculaire du cheval :
- CPK (Créatine phosphokinase). CPK reflète la douleur musculaire. Les taux normalement inférieurs à 400, peuvent monter dans les premières heures à 1500 et jusqu’à 50 000 ! Les taux se normalisent à nouveau après quelques jours.
- GOT (Transaminase), appelé également AST (Asporate amino-transferase). GOT, par contre, augmente progressivement pour atteindre son maximum deux à trois jours après l’accident musculaire et son taux redescend en 3 à 6 semaines. C’est un indicateur de cicatrisation des fibres musculaires.

Si au bout de 3 à 6 semaines le taux de GOT est encore supérieur à la normale, même si l’animal semble rétabli, il est nécessaire d’attendre avant de le remettre au travail.
L’apport de vitamine E et de sélénium est prescrit quotidiennement sous forme de liquide ou de poudre à ajouter à l’alimentation dès le lendemain du coup de sang. Ce traitement doit obligatoire être poursuivi pendant plusieurs mois pour éviter toute récidive, encore plus grave que la précédente.

Cette protection de la fibre musculaire peut être entretenue pendant les périodes de travail intense.

Quelle prévention ?

Pour éviter tout risque de coup de sang, il est nécessaire de prévenir le débalancement entre alimentation et travail. Lorsqu’un cheval est arrêté, même une seule journée, il est indispensable de réduire sa ration habituelle de concentrés au tiers de sa ration habituelle, tout en doublant les fourrages grossiers, foin et paille.

Exemple : un cheval qui consomme 12 litres d’aliments complet par jour et qui est arrêté pour cause de blessure doit passer dès le lendemain à 4 litres d’aliments complet, en doublant sa ration de foin. Si la période d’inactivité perdure, supprimez complètement l’aliment concentré et conservez uniquement le foin. La meilleure prévention consiste cependant à assurer un exercice journalier minime mais régulier. Un quart d’heure en longe ou en liberté, même s’il neige, s’il fait froid ou que le temps vous manque !


Anaël MARZIN
Responsable marché Equideos