Pourquoi votre cheval maigrit ?

« Je ne comprends pas : mon cheval perdait de l’état donc j’ai augmenté les quantités de céréales dans sa ration et sa perte d’état s’accentue … Que dois-je faire ? » Vous me posez souvent cette question et j’ai donc décidé d’y consacrer un article de blog afin d’y aborder l’origine de ces dysfonctionnements et les solutions simples pour limiter les problèmes.

Mais pour commencer, revenons à la base. Le cheval est un herbivore. Cela signifie non seulement qu’il est adapté à l’ingestion importante de fourrages, mais en plus qu’il est capable de valoriser énergétiquement les fibres.


Pendant la longue rétention des fibres dans le gros intestin, les celluloses, hémicellulose et pectines sont dégradées pour fournir de très grandes concentrations d’acides gras à chaînes courtes (AGCC). Ces composés sont absorbés dans le gros intestin et fournissent au cheval une grande quantité d’énergie. Chez le cheval au pré ou au foin uniquement, les AGCC absorbés dans le gros intestin représentent plus de 80% de ses nutriments énergétiques. Nous l’oublions donc souvent, mais l’apport de fibres est une source majeure d’énergie : 2 à 3 kilos de foin apportent autant de kilocalories au cheval qu’un kilo de céréales … !

La digestion des fourrages et l’équilibre du microbiote intestinal

Les fourrages sont digérés grâce à des micro-organismes vivants en très grand nombre dans le gros intestin du cheval. Ce microbiote intestinal, spécifique aux équins, est composé principalement de protozoaires, champignons et bactéries. Les communautés bactériennes représentent la principale biomasse de la microflore intestinale équine : environ 1 million de milliards de bactéries est hébergé dans le gros intestin !

Parmi les bactéries présentent, certaines sont capables de « découper » les chaînes de celluloses, d’hémicelluloses et de pectines des parois végétales en plus petites molécules. Puis d’autres bactéries fermentent ces molécules intermédiaires et produisent des acides gras à chaîne courte composés de deux à quatre atomes de carbone. Ils sont généralement appelés acides gras volatils (AGV). Les AGV sont absorbés au niveau du gros intestin et participent au métabolisme énergétique.

C’est donc grâce à son microbiote intestinal que le cheval est un herbivore. Toute perturbation de cette flore intestinale fibrolytique risque de limiter la valorisation énergétique des fourrages … Vous voyez où je veux en venir ?

Une capacité de digestion de l’amidon limitée

Dans les rations traditionnellement distribuées aux chevaux, la seconde source importante d’énergie est l’amidon.

La salive du cheval contient des enzymes capables de dégrader l’amidon : les amylases. Toutefois, les amylases salivaires sont présentes en quantité si faible que leur impact sur la digestion de l’amidon est minime. Celle-ci débute dans l’estomac, où les bactéries amylolytiques, hébergées par le cheval commencent à fermenter. Dans l’intestin grêle, bien que les bactéries soient présentes, la digestion de l’amidon est principalement le fait d’amylases sécrétées à ce niveau du tube digestif. Ces enzymes sont capables d’hydrolyser les liaisons entre les glucoses qui constituent l’amidon, libérant ainsi les molécules de glucose absorbées dans l’intestin grêle.

Toutefois, dans l’intestin grêle, le cheval n’a qu’une capacité limité de production d’amylases et d’absorption du glucose. Au-delà d’un certain seuil, tout l’amidon ingéré ne pourra pas être digéré dans l’estomac et dans l’intestin grêle. De l’amidon « résiduel » arrivera alors jusqu’au gros intestin et y sera fermenté par des bactéries amylolytiques … et c’est là que les choses se compliquent !

Lors de fermentation bactérienne de l’amidon dans le gros intestin, une proportion importante de lactate, au fort pouvoir acidifiant, est produite en parallèle des AGV. Dans un écosystème intestinal sain, le lactate produit est éliminé en continu par des bactéries « utilisatrices de lactate ». Ceci permet de réguler sa concentration.

En revanche, lorsque les quantités d’amidon qui atteignent le gros intestin sont trop conséquentes, les concentrations importantes de lactate modifient les conditions du milieu et engendrent une acidose intestinale. En plus de problème de santé variés (coliques, diarrhées chronique, etc.), ceci est à l’origine d’une baisse de la valorisation de la ration.

Une ration moins bien valorisée

Lorsque le pH intestinal diminue, l’environnement dans le gros intestin est moins propice au développement de certaines communautés bactériennes. Notamment, il a été observé qu’avec l’augmentation de la proportion de céréales dans la ration, le pH moyen du gros intestin chutait, et que les populations de bactéries capables de dégrader la cellulose étaient moins nombreuses et moins actives.

Par ailleurs, l’absorption des AGV est ralentie voir inhibée par les fortes concentrations en lactate. Peu dégradés et non absorbés, les fourrages consommés pas le cheval ne représentent alors plus une source d’énergie sur laquelle il peut compter … Étant donné la faible capacité de digestion de l’amidon des chevaux, il est alors difficile de couvrir les besoins nutritionnels sans les apports énergétiques des fourrages.

Concrètement, quelles sont les recommandations ?

Si les besoins nutritionnels ne sont pas couverts, le cheval perd de l’état. Face à cette situation, la réaction est généralement d’augmenter la quantité de concentrés distribués. Toutefois, pour s’assurer de la bonne valorisation de la ration, il est essentiels de vérifier qu’elle respecte le fonctionnement digestif, et notamment l’écosystème intestinal. Pour limiter les risques d’importantes perturbations, il est ainsi recommandé de ne pas dépasser 200g d’amidon par 100 kilo de poids vif et par repas (soit environ 2 kg d’orge pour un cheval de 500kg). L’utilisation d’aliment au fort pouvoir tampon, comme la luzerne, peut être une solution complémentaire.

En conclusion, lorsqu’un cheval perd de l’état alors que les quantités de concentrés qu’il ingère augmentent, il est conseillé de diminuer ces apports et d’augmenter la proportion de fourrages dans la ration.

Anaël MARZIN
Responsable marché Equideos