naissance-poulainVoici qu’approche le moment attendu depuis plus de 11 mois, la récompense de plusieurs jours de surveillance aussi bien diurne que nocturne, l’aboutissement de bien des soins : la venue au monde du poulain. L’éleveur doit s’y préparer afin de pouvoir intervenir à bon escient. Il y a finalement peu de choses à savoir car, en général dans l’espèce équine, tout se passe très bien sans intervention extérieure. Mais c’est pour les rares cas où la situation se complique brusquement qu’il convient d’être prêt.

L’accouchement chez la jument est bien plus rapide que pour d’autres espèces, et elle n’aime pas être dérangée à cet instant. C’est pourquoi malgré la surveillance exercée, il n’est pas si courant de pouvoir assister à la venue au monde du poulain

Quand ça se passe bien …

Le début du poulinage, ou travail, commence par des contractions utérines rythmiques douloureuses que la jument exprime par des signes proches de ceux de la colique. Elle transpire, gratte le sol, se regarde les flancs, se couche et se relève. En fonction des animaux, ces signes peuvent être plus ou moins marqués. Parfois cette phase s’arrête d’elle-même et la jument retrouve son calme. Il ne s’agit alors que d’une fausse alerte et l’accouchement est remis à plus tard, dans quelques heures à quelques jours. Si par contre les contractions se poursuivent, le placenta s’engage à travers le col dilaté et le poulain change de position. Il se met sur le ventre, les membres antérieurs et la tête étendue, s’engageant à la suite du placenta à travers le col. Il arrive parfois, mais rarement, qu’il se présente en position postérieure, c'est-à-dire avec les jambes arrières passant à travers le col utérin. Quoi qu’il en soit, la pression utérine est telle que le placenta se déchire au pôle cervical immiscé dans le bassin de la mère et le liquide allantoïdien contenu dans la première enceinte du placenta se déverse à l’extérieur. Cette première phase peut durer d’une à deux heures.


Ensuite les contractions des muscles abdominaux maternels viennent s’ajouter au travail utérin. La jument inspire, puis, bloquant sa respiration, pousse fortement. Il est notable que la plupart du temps la jument se couche à ce moment, ce qui ne l’empêchera pas de se relever à l’occasion. L’amnios fait saillie entre les lèvres vulvaires comme une membrane rosée, puis très rapidement le poulain est expulsé. Les sabots apparaissent, puis les canons, avec la tête allongée dessus, le thorax, l’abdomen et enfin les hanches et les postérieurs.
L’amnios se déchire lors de cette phase, sous l’effet des efforts d’expulsion ou par les mouvements du poulain qui prend ses premières inspirations. Cette deuxième phase prend entre 5 et 30 min.


Après ce moment difficile, alors que le poulain commence à s’éveiller à la vie, et à condition qu’on ne la dérange pas, la jument reste couchée calmement pendant de longues minutes, souvent plus d’une demi-heure, ce qui est normal. Elle s’occupe modérément de son poulain, le léchant s’il passe à sa portée. Le cordon ombilical se rompt lorsque le poulain tente de se redresser ou lorsque la mère se lève. La dernière étape du poulinage à proprement parlé est l’expulsion des enveloppes fœtales, appelée délivrance. Elle survient en générale rapidement, dans un délai de quelques minutes à une heure. La jument présentera ensuite normalement quelques pertes vulvaires sanguines et glaireuses pendant 3 à 4 jours.


Dans la très grande majorité des cas, c’est ainsi que se déroule le poulinage : rapidement et sans que l’intervention de l’homme  soit nécessaire. Malheureusement, il arrive que les choses se passent de manière imprévue, et que rapidement la vie du poulain et celle de la mère soit menacée.


Quand ça se passe mal …

Beaucoup de complications sont possibles lors du poulinage. Elles peuvent provenir de la conformation anormale du bassin de la mère dans les cas d’infantilisme, de malformations congénitales, d’anciennes fractures, de rétrécissements cicatriciels du vagin liés à un poulinage précédent ou à une vulvoplatie. Un mauvais positionnement du poulain dans la filière du bassin peut aussi provoquer un blocage. Or en cas d’obstacle à l’avancée du poulain, la plupart des juments font des efforts particulièrement violent à l’origine de complications gravissimes. La bonne conformation des voies génitales d’une jument doit être confirmée par un examen gynécologique préalable à sa mise à la reproduction. Au moment de l’accouchement, si les efforts expulsifs semblent prolongés et violents, il faut appeler le vétérinaire sans tarder.


Même lorsque le poulain passe normalement, il peut y avoir danger. C’est le cas si la poche des eaux ne se rompt pas. Souvent les contractions utérines faiblissent alors que le poulain est partiellement engagé. Une compression du cordon ombilical à cet instant peut provoquer le décès du poulain.


Assez souvent, la poche des eaux se rompt mais les membranes restent sur la tête du nouveau-né. On dit que le poulain naît « coiffé ». Si les naseaux ne sont pas rapidement dégagés, il y a risque d’asphyxie.
Le passage du poulain est un vrai traumatisme pour la mère. Dans presque tous les cas, il provoque des ecchymoses et des petites déchirures vaginales ou vulvaires sans conséquence. Seules les plaies importantes nécessitent une suture, afin de restaurer l’étanchéité de la vulve. Parfois un sabot du poulain perfore le plafond du vagin et le plancher du rectum, mettant en communication ces deux organes avec passage de crottins sur la plaie. Cette lésion n’est pas très grave car la réparation chirurgicale est tout à fait possible. Elle ne se fera que quelques semaines après l’accident lorsque les processus de nécrose localisée seront stabilisés. Bien plus inquiétante est l’apparition de saignements abondants, en jet, qui signent la rupture d’une artère principale. L’intervention du praticien est alors éminemment urgente, le décès de la jument pouvant survenir en 10 à 60 minutes, en fonction du vaisseau rompu. Malheureusement, il arrive que le saignement ne soit pas visible, le sang s’écoulant à l’intérieur de l’abdomen. La jument tremble, transpire et s’effondre très rapidement sans qu’il ait été possible de faire quoique ce soit.


D’autres organes peuvent être lésés au moment du poulinage. Les nerfs fémoraux qui passent à l’entrée du bassin peuvent être comprimés, avec altération de la motricité et de la sensibilité du membre concerné. Ces signes sont en général réversibles à moyen terme. Plus grave, une anse intestinale peut se trouver coincée entre le bassin et le poulain passant dans l’utérus. Une compression sévère de l’intestin peut être à l’origine  d’une nécrose suivie de la mort de la mère. Il en est ainsi également si l’utérus, la vessie ou caecum se rompent lors de contractions ou de pressions exagérées. Graves aussi sont les conséquences d’efforts violents et prolongés au-delà de l’expulsion du poulain : le vagin se retourne en doigt de gant et fait protrusion à travers la vulve, accompagné souvent du rectum qui subit le même sort, allant parfois jusqu’à la rupture avec sortie des intestins. Dans ce cas aussi, l’intervention du vétérinaire doit être très rapide, sans que l’on soit par ailleurs assuré de sauver la mère.


Non-délivrance

Bien moins dramatique que la plupart des complications ci-dessous envisagées, mais aussi plus fréquentes, la non-délivrance est le défaut d’expulsion du placenta dans les 6 heures suivant l’accouchement. En général le placenta reste accroché à l’extrémité d’une corne, sans qu’on en connaisse la cause. Progressivement, ces membranes privées d’oxygène se désagrègent en libérant des toxines. Le risque de fourbure est important, surtout chez les juments de race lourde. Ses tissus dégradés sont d’excellents milieux de culture pour les bactéries pathogènes qui sont entrées dans l’utérus au moment de la mise bas et empêchent la vidange naturelle de l’utérus ainsi que son retour à un état normal. La délivrance doit être effectuée manuellement avec douceur par un vétérinaire, après injection d’ocytocine. Des lavages utérins stériles répétés et une antibiothérapie complètent le traitement.


Examen clinique dans la journée

Pour toutes ces raisons, il est préférable, même si l’accouchement semble s’être correctement déroulé, de faire réaliser par votre vétérinaire un examen clinique de la mère dans la journée qui suit le poulinage. Cet examen a pour but d’évaluer l’état général de la jument, de vérifier l’intégrité de son appareil génital, l’absence de déchirures ou de saignements importants, de contrôler que l’ensemble du placenta a été expulsé. Cela peut être aussi l’occasion de soins médicaux car il a été démontré que l’injection d’ocytocine après le poulinage et la réalisation d’un lavage stérile de l’utérus au sérum physiologique diminuait considérablement les risques d’infection post-partum tout en augmentant la fertilité aux premières chaleurs. L’examen se prolonge jusqu’aux mamelles et inclut une évaluation de la qualité du colostrum. Bien entendu, le vétérinaire s’intéresse également au poulain, lui fait passer un examen médical complet et lui injecte des sérums préventifs. Si le poulain est au monde depuis plus de 12 heures, le vétérinaire proposera souvent un dosage sanguin des anticorps.

Le poulinage est un moment stressant pour l’éleveur, mais la connaissance de ce à quoi il peut s’attendre doit l’aider à surmonter ses craintes. Chez la jument, les complications sont rares, mais lorsqu’elles ont lieu, elles sont souvent graves. C’est pourquoi il existe des systèmes de surveillance Birth Alarm qui permettent d’accompagner la jument de jour comme de nuit et d’être présent afin de déceler l’apparition des premiers signes anormaux.

Anaël MARZIN
Responsable marché Equideos