Coup de sang chez les chevaux

Les fourrages enrubannés ont fait leur apparition en France depuis quelques années. Sous l’appellation générique d’enrubannage, je me suis rendue compte que l’on classait en réalité des produits bien différents (de même que dire que l’on donne du granulé à un cheval ne suffit pas à caractériser la qualité de la ration).

L’utilisation de ces fourrages répond à des règles précises qui dépendent des caractéristiques du produit et notamment à sa valeur nutritionnelle.


Quelles espèces choisir pour l’enrubannage ? A quel stade le récolter ? Quels sont les avantages de ce type de fourrage ? Et les inconvénients ? Je vous dis tout !

Quelles espèces choisir pour l’enrubannage ?

Les légumineuses et les graminées sont les deux principales familles de plantes donnant lieu à des cultures .

Les légumineuses sont capables de fixer l’azote de l’air et sont principalement riches en protéines. Elles sont peut adapter à l’enrubannage car elles induisent des fermentations indésirables et la dureté de leur tige endommage le film protecteur.

Les graminées sont donc les principales espèces utilisées dans ce type de fourrage. Dans cette famille citons les rays grass anglais et italiens, la fétuque et le dactyle. Le choix des variétés utilisés en mélange est discuté en fonction des potentialités agronomiques du sol et des caractéristiques climatiques.

A quel stade doit-on récolter l’enrubanné ?

D’une manière générale, plus le fourrage est utilisé à un stade précoce et plus sa valeur est élevée . En effet, le végétal est grossièrement constitué de feuilles et de tiges. Quand le végétal est jeune, la proportion de feuilles est importante ; lorsqu’il vieillit, la proportion de tiges augmente. On en déduit que lorsque le fourrage vieillit, sa teneur en tige augmente et donc sa valeur nutritionnelle baisse. Dans le même temps, sa teneur en matière sèche augmente.

Pour la première coupe, on parle du stade épi à 10 cm, début épiaison, épiaison, début floraison, floraison. L’INRA a mis au point des tables de valeurs nutritionnelles pour toutes sortes de fourrages aux différents stades répertoriés. Ces valeurs sont exprimées en kg de matières sèches constituées de la matière brute moins la teneur en eau.

Ainsi, un fourrage à 85% de matière sèche contient en réalité 15% d’eau. Le taux de matière sèche varie considérablement en fonction du stade végétatif mais surtout en fonction du mode de conservation. Les valeurs énergétiques ramenées au kg de matière sèche peuvent varier du simple au double.

Le fourrage enrubanné présente des valeurs nutritives intermédiaires entre le fourrage vert au stade épiaison et floraison. En tout état de cause, ce mode de conservation permet d’obtenir de meilleurs résultats que le foin sec .

Quel est le principe de production de l’enrubanné ?

Les grands modes de conservation des aliments reposent tous sur les mêmes principes. Il s’agit soit de bloquer les proliférations bactériennes, soit de les orienter dans un sens favorable à la transformation du produit.

Les ressources nutritives des microorganismes sont l’eau et la matière organique. Pour conserver un produit, on dispose donc de plusieurs stratégies.

- Bloquer leur prolifération en éliminant la flore microbienne par stérilisation par exemple et en rendant le produit hermétique.
- Bloquer l’accès aux ressources nutritives en limitant l’accès à l’eau : congélation, déshydratation, séchage (production de foin), salaison.
- Orienter les fermentations pour améliorer les qualités nutritionnelles du produit : c’est ce dernier processus qui est utilisé dans la fabrication de l’enrubanné.

L’objectif est de conserver un produit ayant un taux de matière sèche bien inférieur à celui du foin et supérieur à celui de l’herbe verte. Il varie entre 60 et 75% pour les fourrages enrubannés. Après avoir été coupée, l’herbe est conservée à l’abri de l’air par un film plastique. Le végétal continue de respirer et consomme l’oxygène présent sous le film. Ensuite, lorsque la totalité de l’oxygène est consommé, le végétal meurt et les fermentations sont de type anaérobie. Ces fermentations correspondent à une sorte de pré digestion. L’enrubannage permet d’obtenir un fourrage dont la stabilité, une fois le sac ouvert, va directement être liée au taux de matière sèche.

Si l’enrubanné est conditionné en bottes rondes (qui sont souvent pressées moins dense que les bottes carrées), on en déduit qu’elles emmagasinent plus d’air ce qui suppose de récolter un végétal moins préfanné afin qu’il dispose encore de la capacité à consommer l’oxygène présent dans la balle. Dans ce cas, l’ enrubannage présente un taux de matière sèche moins fort.

Le conditionnement en balle rectangulaire permet généralement de conserver dans de très bonnes conditions des fourrages ayant des taux de matière sèche élevé. Il faut cependant faire attention à ce que ce taux de matière sèche ne soit pas obtenu par une récolte tardive du fourrage. C’est le taux de cellulose du produit qui permet de faire la différence entre un fourrage récolté jeune donc riche, bien préfanné donc sec, et un fourrage récolté tardivement donc sec mais peu riche.

Quels sont les avantages de l’enrubanné ?

Ce sont des fourrages très appétants qui sont indemnes de poussière. Ils sont donc particulièrement bien indiqués pour les chevaux présentant des affections pulmonaires.

Le film protecteur les protège de l’humidité. Ils peuvent donc être stockés dehors, à condition évidemment d’être disposés sur une surface saine.

Ils présentent généralement de bonnes valeurs nutritionnelles. Le résultat obtenu est souvent meilleur que celui auquel on pourrait s’attendre compte tenu des valeurs issues des analyses.

La première raison est qu’il n’existe pas d’équation de prévision des valeurs nutritives spécifique à ce type de fourrage. Les laboratoires d’analyse utilisent donc les équations intermédiaires entre celles du foin et celles de l’ensilage. Or, dans l’enrubannage, il y a moins de perte sous forme de jus que dans l’ensilage, et par ailleurs le fort taux de matière sèche de ce produit est plus le fait d’un préfannage soigné que d’un vieillissement de la plante. On arrive ainsi probablement à sous estimer la valeur énergétique.

La seconde raison tient au fait que l’unité d’évaluation de la valeur azotée (le gramme de MADC) ne reflète pas la valeur en acides aminés de l’aliment mais seulement une estimation de la quantité d’azote disponible. Cette nuance est d’importance car en réalité, les protéines de l’enrubannage sont bien plus facilement disponibles pour le cheval car moins liées aux parois que pour le foin. L’enrubannage présente beaucoup moins d’azote libre susceptible de générer de l’ammoniac ou de l’urée que l’ensilage.

En clair, à même quantité d’azote, l’enrubanné présente non seulement des protéines de meilleure qualité que le foin, mais ces protéines sont plus facilement assimilables au plan enzymatique.

Quels sont les inconvénients de l’enrubanné ?

Je vous conseille de réserver ce mode de conditionnement à des surfaces dédiées exclusivement à la production de fourrage. En effet, non seulement vous bénéficierez d’une meilleure productivité de la parcelle mais aussi vous fournirez au cheval des fourrages indemnes de contamination parasitaire.

Il faut également veiller à ce que le fourrage ne soit pas contaminé par de la terre, car alors le risque de botulisme est réel.

Enfin, il faut bien comprendre que l’étanchéité de l’emballage est une des conditions incontournables de la bonne conservation du fourrage. Celle-ci dépend de la qualité du film et bien évidemment du nombre de tours réalisés autour du ballot. De plus, il faudra également veiller à ce que tout ballot dont l’ensachage aura été percé accidentellement soit consommé en priorité.

Il faut noter que certains chevaux ne tolèrent pas l’enrubanné et déclenche des diarrhées. Cette proportion est très faible mais non nulle. Dans ce cas, il ne faut pas s’obstiner et repasser ces animaux au foin.

Pour conclure, l’enrubannage est donc probablement l’innovation récente la plus bénéfique à la santé des chevaux. Elle remet le cheval dans une logique d’herbivore et permet de sortir de régimes de types granulé-paille.

En stimulant la digestion microbienne, elle limite le risque de colique de stase et fournit au cheval, sous forme d’acides gras volatils, la source d’énergie mobilisée dans les efforts aérobies.

Anaël MARZIN
Responsable marché Equideos